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SKARLET : “Disparition. Étude d’un fait divers” (4)

 

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 Quatrième partie

 

Premier bilan

 

 

Rappelons qu’un homme est accusé du meurtre de sa femme, qui n’a pas donné signe de vie depuis bientôt neuf ans. Depuis lors, il proteste de son innocence. L’accusation se fonde sur un certain nombre d’éléments matériels que nous avons présentés dans les parties précédentes, tels qu’ils ont été rapportés par la presse. D’autres éléments – à charge ou à décharge – existent peut-être. Mais nous, qui basons cette étude sur les seuls éléments disponibles en ligne, ne pouvons rien en savoir. S’ils existent, ils seront certainement révélés au cours des débats publics qui auront lieu à la Cour d’Assises de la Haute-Garonne (ci-dessous). Rappelons aussi que notre propos n’est pas de « résoudre » cette affaire présentée comme une « énigme » ou un « mystère », mais bien d’analyser la présentation qui en est faite par les médias. Or, les « médiatiques », comme les appelle le sociologue Pierre Bourdieu (p. ex. in Le Monde Diplomatique  : Analyse d’un passage à l’antenne, avril 1996), ne sont pas toujours attentifs aux éléments matériels et aux détails de procédure lorsqu’ils interprètent et « jugent » une affaire comme celle-ci. Pourtant, la proverbiale « autorité de la chose publiée » donne un certain poids à leurs paroles et « jugements » aux yeux du grand public, même si le bon sens prescrirait de « ne pas croire tout ce que disent les journaux ». Un détail en particulier est révélateur : Tous les rédacteurs se permettent d’appeler la disparue – Suzanne Viguier – par le petit nom sans doute affectueux, utilisé par ceux qui la connaissent, notamment ses « proches » : « Suzy », ou « Susi » pour qui entend encore se démarquer («avec un s, précisent ses amis, c’était sa seule coquetterie»). Une rédactrice va jusqu’à l’appeler par son nom de jeune fille, sans doute pour anticiper une procédure de divorce qui n’était même pas engagée au moment de sa disparition. Or ces rédacteurs ne connaissent pas cette femme et ne la connaîtront certainement jamais. Dès lors, qu’est-ce qui explique cette familiarité, cette «proximité» feintes ? Veulent-ils faire entendre, de façon implicite et subliminale, qu’ils se considèrent eux aussi comme des « proches » ? Et, par extension, qu’ils sont « proches » - ou que leur « reportage » se place « au cœur » même - de cette affaire ? Veulent-ils donner le témoignage de leur compassion face au destin probable d’une femme qui « aurait pu » être leur amie ? Et qu’en est-il de l’accusé ? - Il est au contraire invariablement désigné par son patronyme. Pourtant, les rédacteurs auraient eu la possibilité matérielle de se « rapprocher » de lui, ne serait-ce que pour se faire une idée plus nuancée de sa personne. Or, l’accusé est invariablement présenté comme un notable, brillant, séducteur, supérieurement intelligent. Et il est invariablement désigné par son titre de « vice-doyen ». C’est là un procédé prisé des journalistes : on choisit un synonyme à caractère symbolique, qui est censé éviter les répétitions alors qu’il sera martelé sans cesse tout en postulant l’identité de la personne dont on parle avec l’un de ses titres pour en faire un “symbole”. Pourtant, le président de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse souligne bien que ce titre n’implique « aucune fonction officielle ». De son côté, Jacques Viguier se présente comme un membre de la « classe moyenne ». Sa parents étaient fonctionnaires de l’Education Nationale. On ne se trompera donc pas de beaucoup en disant qu’il est issu de la petite-bourgeoisie. Or, la plupart des « médiatiques » appartiennent également à ce milieu. Ont-ils alors trouvé un moyen détourné pour incriminer leur propre classe sociale ? Mais il y a plus. Le parcours professionnel de l’accusé est en effet « brillant ». Il aura effectué une « ascension sociale » assez prestigieuse. On ne peut pas en dire autant de la grande majorité des journalistes, qui n’accèderont sans doute jamais à une position « dominante », qui sont très souvent obligés de suivre la ligne éditoriale dictée par leurs rédacteurs en chef ou qui sont simplement des « pigistes » payés au lance-pierre, sans aucune « garantie de l’emploi ». Si donc leur ressentiment envers le « notable » pourrait cacher une animosité vis-à-vis de leur propre caste, et de leurs patrons, la mise en exergue de la carrière « brillante » de l’accusé constitue l’aveu inconscient de leur propre échec social. A fortiori s’ils sont issus de milieux aisés ou de la « bourgeoisie cultivée ». En effet, il y a une différence entre le rôle social d’un professeur des universités, qui forme les jeunes esprits, et celui d’un rédacteur de presse qui, dans le cas présent, divertit le grand public en appuyant sur le voyeurisme, le goût du mystère et du crime. – Or, beaucoup de crimes, loin d’être des actes « singuliers » commis par des « désaxés », ont des raisons économiques et sociales. Beaucoup de criminels sont issus de ces « milieux » que la bonne société prétendument « égalitaire » qualifie de « défavorisés ». C’est un euphémisme. Et un déni de réalité. Dès lors, il est assez surprenant que l’on ne cherche pas ou très peu à rendre compte de l’origine sociale et de l’« éducation » des grands criminels de notre temps, notamment des « zonards » tels que Francis Heaulme, Guy Georges ou le toulousain Patrice Alègre. Pourtant, on se permet des réflexions « sociologisantes» sur la personne de Jacques Viguier, présumé innocent, dans l’intention avouée ou plus implicite de suggérer sa possible culpabilité dans cette affaire. Alors pourquoi ne pas procéder de la même manière avec les trois assassins mentionnés à l’instant ? Par crainte de relativiser ou d’atténuer la dimension en effet horrible de leurs crimes aux yeux du public en enquêtant sur le contexte économique et social qui favorise l’apparition, la formation et le passage à l’acte de ce genre de criminels ?

Ensuite, qu’en est-il de celui qui fut d’abord présenté comme « un ami » puis comme « l’amant » de la disparue ? On en apprend très peu sur la condition sociale d’Olivier Durandet. D’une part, il est présenté ou se présente dans un entretien – comme un « VRP au chômage ». Le contexte de cet entretien (9/11/2000, loc. cit., III) permet d’inférer qu’il était chômeur au moment de la disparition de Suzanne Viguier (27/2/2000). Et, dans un autre article bien plus récent (24/5/2007, loc. cit., III), son « état » est celui d’un « vendeur de matériaux de construction ». S’il habite dans le même « quartier résidentiel » de Toulouse que la famille Viguier, O. Durandet n’y occupe certainement pas une « maison cossue ». D’ailleurs c’est lui qui rend souvent visite à ses voisins, et il n’y a aucune mention d’une invitation en retour [ajout : même s’il déclarera plus tard que la disparue venait souvent chez lui]. Mais ce n’est pas tant la condition sociale que le « double jeu » d’O. Durandet, qui doit attirer notre attention. En effet, il a ses habitudes dans la villa des Viguier en qualité d’« ami de la famille ». Or, selon les comptes-rendus, il est également, depuis assez longtemps déjà (« printemps 1998 »), l’amant de la maîtresse de maison sans que le mari en soit informé, ce qui n’a en soi rien d’exceptionnel. Il est plus étonnant qu’il continue de faire ses visites à la villa, au risque de se trahir par un changement subit – plus ou moins imperceptible ou subtil – dans son attitude envers la maîtresse de maison, qui n’a d’ailleurs pas échappé à la sœur de la disparue. En effet, nous sommes ici dans le registre de l’intuition psychologique, qui ne passe pas toujours par une réflexion consciente de la situation. Sans doute O. Durandet prend-il un certain goût à cette nouvelle situation pour le moins ambiguë, comme il le laisse entendre dans ce passage déjà cité : «Belle maison, belle voiture, belle situation : comment pouvait-il [J. Viguier] imaginer qu’un jeune type de 32 ans, un peu rondouillard, VRP au chômage, lui avait pris sa femme?»

Les éléments matériels, tels que la presse les a présentés, ne permettent pas de soupçonner l’amant dans la disparition de sa maîtresse. Cependant, le fameux « bruit » dans la villa, ce dimanche matin 27 février 2000 à 4h30, qui permet au mari de conclure que son épouse « montait se coucher » et de faire une déclaration officielle dans ce sens, n’indique pas encore qu’elle a été vue à ce moment précis. De même, si J. Viguier est innocent, le crime - ou l’enlèvement qui le précède - ne peut avoir eu lieu que dans l’après-midi de dimanche. Mais, comme aucune information n’a filtré à ce sujet, on ne peut que spéculer sur ce qui aurait pu se passer. Quant à la relation amoureuse entre S. Viguier et O. Durandet, elle aura certainement été confirmée par des témoins, mais pour nous, qui lisons la presse, elle ne repose que sur les déclarations de l’amant lui-même et sur la “supposition” d’une sœur de la disparue [ajout : au procès, on apprendra cependant que la baby-sitter, qui est fait surprenant la belle-sœur d’O. Durandet, aurait été dans le secret]. D’autre part, sa maîtresse aurait pu lui signifier la fin de cette relation dans la nuit du 26 au 27 février 2000, ou avant. Mais, si tel était le cas, on n’en aura jamais confirmation puisqu’elle a disparu et que, selon toute évidence, elle n’est plus de ce monde. Au risque de nous répéter : nous ne cherchons pas à élucider cette affaire, ou à creuser des « pistes » inédites. D’un côté, il s’agirait d’une tâche impossible en considération des seuls éléments disponibles et, de l’autre, ce n’est pas notre but. Nous ne voulons pas non plus épiloguer sur l’enquête et l’instruction qui ont été menées par les policiers et les magistrats. Ces fonctionnaires ont fait leur travail comme ils l’entendaient et les résultats qu’ils apportent conduisent au procès pour « homicide volontaire » contre Jacques Viguier. Voilà la réalité de l’affaire qui, seule, doit nous concerner. Et nous nous sommes déjà expliqués sur la mention ou la suggestion d’autres hypothèses dans cette étude. Si d’autres théories peuvent être formulées à partir des éléments disponibles sans pour autant être absurdes, il faut se demander pourquoi les rédacteurs n’en parlent quasiment jamais pour au contraire sous-entendre assez fréquemment la culpabilité du mari.

À l’image des portraits de J. Viguier et d’O. Durandet qui ont été faits, ou esquissés, par les différents journalistes, celui de S. Viguier paraît également assez orienté. Si elle est invariablement présentée comme une mère attentive, qui aime passionnément ses enfants et la danse, ce qui est sûrement le cas, on apprend également certains détails qui permettent de nuancer ce portrait : son enfance a été marquée par le divorce des parents, qui n’est jamais sans effets sur la personnalité et la façon d’exister de l’adulte ; en outre, elle venait de perdre son père, dont le décès l’avait « terriblement affectée », au point d’induire des symptômes dépressifs [ajout : si l’origine de la disparue a pu être qualifiée de « modeste », on apprend que son père Roland a été un ancien collègue à la Dépêche du Midi  (DdM, 18/02/00), c’est-à-dire journaliste (DdM, 20/4/09) et sa mère institutrice, comme d’ailleurs celle de J. Viguier] ; sa mère se permet encore de la décrire comme « une personne influençable » qui « aime être sur le devant de la scène » et de suggérer un « endoctrinement sectaire » pour expliquer la disparition de sa fille ; une amie notaire pense enfin qu’elle « était au fond du trou » et suggère qu’elle pourrait « faire des conneries ». En effet, comme nous l’avons remarqué, la disparue était venue voir cette amie peu avant sa disparition (« quelques jours » ou « plusieurs semaines »), pour s’enquérir si, en cas de malheur, son testament précisait bien que ses enfants devaient être confiés aux parents de son mari. À cet instant précis de sa vie, elle fut donc – c’est le moins que l’on puisse dire – « préoccupée ». Le témoignage de la notaire révèle surtout ceci : le « malheur » qu’elle envisage alors, dont nous ne saurons rien de plus, la toucherait elle-même, mais également son mari, puisque celui-ci ne serait pas non plus en mesure de s’occuper des enfants lorsque le « malheur » se sera produit. Or il se trouve qu’aucun rédacteur n’aura approfondi cette déclaration, qui permet pourtant d’envisager un certain nombre d’hypothèses, y compris, mais pas seulement, celle de l’emprisonnement du mari, accusé du meurtre de sa femme, ce qui s’est d’ailleurs réellement produit : pendant sa détention provisoire, les enfants de J. Viguier ont en effet été confiés à leurs grands-parents paternels. Par ailleurs, aucune investigation journalistique sérieuse n’a été menée dans cet énigmatique « cabaret de transformistes » où la disparue exerçait ses talents de chorégraphe pendant « plusieurs mois » [ajout tardif (bis) : au Crazy Moon, en 1995 ou 1996]. Bien sûr, les dangers du « monde de la nuit » ont brièvement été évoqués. Et, depuis l’affaire Alègre, les journalistes savent que le pavé nocturne de la « Ville Rose » n’est pas sans risques. – Dans ce contexte, il faut mentionner l’enquête de l’écrivain Dominique Labarrière qui, en 2003, publie un livre – cité plus haut – sur cette affaire. Puisqu’il n’est pas disponible en ligne, nous n’avons pas lu ce reportage dont les sœurs de Suzanne affirment qu’il « salit » son image. Et nous n’avons pas réussi à trouver des extraits significatifs de cette publication, dont l’éditeur - La Table Ronde - dit ceci sur son site (nous soulignons) : « Décidément, Toulouse est pleine d’ombres et de mystères. Une enquête policière pour le moins bâclée. Une instruction qui traîne en longueur. Un coupable sans mobile. Un crime sans cadavre. Trois ans après la disparition de son épouse, Jacques Viguier continue d’attendre, après avoir vainement clamé son innocence. Quand la police, la justice et les médias poursuivent le même fantasme, la recherche de la vérité passe aux oubliettes. Pourtant, il y a les faits, troublants. En procédant à une contre-enquête sérieuse, Dominique Labarrière accuse implicitement l’accusation [!] de partialité, de contradiction et de négligence. Viguier n’est pas le “coupable idéal” imaginé par des policiers, des magistrats et des journalistes. Son épouse n’est pas non plus celle qu’on croyait. Viguier a droit à la vérité. Ce professeur d’université a passé neuf mois en prison, son honneur est entaché, son avenir hypothéqué. Il faut que justice lui soit faite. » Seule la lecture du livre – fortement suggérée par ce petit texte, et pour cause – nous en apprendrait un peu plus sur la « contre-enquête » menée par ce « journaliste indépendant (chroniques judiciaires) et conférencier (Seconde guerre mondiale, Bérégovoy …) », comme le présente son éditeur. Mais le texte de la « quatrième de couverture », mis en ligne par les éditions de La Table Ronde, est problématique en ce sens qu’il semble mettre « des policiers, des magistrats et des journalistes » dans le même sac. Or, contrairement aux journalistes, les policiers et a fortiori les magistrats n’« imaginent » et ne « fantasment » pas, car l’exercice de leurs fonctions respectives les engage par principe à fonder leurs convictions, résultats et conclusions sur des éléments tangibles (« matériels »). Toutefois, il apparaît que la « contre-enquête » de cet ancien professeur de philosophie et journaliste au quotidien Ouest-France, spécialiste des affaires « mystérieuses », est menée pour disculper J. Viguier en s’intéressant plus particulièrement à la part d’« ombre » qui entourerait la vie de sa femme, sans doute en relation avec ses activités dans ce fameux « cabaret de transformistes ». Mais, si des hypothèses « à décharge » ont pu être formulées dans ce livre, elles ne seront pas reprises par les rédacteurs des articles de presse postérieurs à 2003, que l’on peut encore trouver en ligne. [Début 2010 : on peut trouver l’annonce suivante sur le site de D. Labarrière : "À paraître prochainement, mon nouveau livre sur cette étrange affaire, sur cette enquête non moins étrange et sur le premier procès, L’affaire Jacques Viguier. L’engrenage infernal - Éditions Alphée - Jean-Paul Bertrand."]

 

 Une autre façon de présenter les choses  

 

Comme le veut l’excellente formule de Pierre Bourdieu : "Le fait divers fait diversion". Et les médias utilisent les « affaires » telles que celle-ci dans le but déclaré ou sous-entendu de « divertir » le grand public, que l’on sait « fasciné » par le crime et l’énigme policière. Mais avant de nous demander pourquoi et de quoi le grand public doit être « diverti », nous nous sommes intéressés à une autre question : Comment ce « fait divers » a-t-il été présentée dans les comptes-rendus « médiatiques » ? Nous avons déjà souligné que les différents rédacteurs cherchaient avant tout à intéresser leur lectorat. Et, en effet, cette histoire intrigue : En l’absence d’aveux et de corps, personne ne peut réellement savoir ce qui s’est passé. Dès lors, la porte est ouverte à la spéculation et à la mystification. Dans l’ignorance où il est placé, le « grand public » – « intrigué » ne peut alors que s’intéresser aux diverses supputations et présomptions, confidences et commentaires. L’autre aspect « porteur » est – comme souvent – l’émotion, ou ce qu’il est convenu d’appeler ainsi : La disparue est présentée comme une femme charismatique, ce qu’elle est sans doute. Mais sa personnalité semble loin de s’épuiser dans ce trait. Pourtant, ce sont bien sa « gentillesse », sa « joie de vivre », son amour maternel, sa « passion » de la danse, qui sont mis en exergue un peu partout. Et, avec la sympathie pour la disparue, ces traits ne peuvent qu’inspirer de la compassion pour son destin probablement tragique. Mais, à bien peser les mots, il y a également un autre aspect dans ce « drame », dévoilé involontairement par une rédactrice par le biais d’un « acte manqué » bien étrange, lorsqu’elle écrit que le sac de la disparue est retrouvé par « le mari dans le placard ». En effet, si cette affaire n’était pas « tragique », on pourrait y repérer la triade basique du théâtre de boulevard : le mari, la femme et l’amant. Avec, à l’arrière-scène, le chœur invisible des maîtresses du mari. Nous serions alors dans le registre de la « comédie des mœurs », que les rédacteurs évitent pourtant soigneusement, parfois au prix d’une pointe d’humour involontaire comme nous venons de le voir. Est-ce par pudeur ou par respect pour la disparue ? On serait tenté de penser qu’il y a une autre raison. - Quant au mari, il est présenté, selon ses propres termes ironiques, comme un « notable » flanqué d’un « salaud ». S’il a lui aussi un indéniable charisme, puisqu’il est « adulé » par ses étudiants, garçons et filles, ce trait de caractère est minimisé, voire diabolisé. Ici aussi, les rédacteurs cherchent à provoquer la réaction émotionnelle du lecteur : la désapprobation, le dégoût, le ressentiment, l’animosité. Mais également l’envie ou la jalousie, comme elles transpirent dans les propos déjà cités de l’amant: « Belle situation, belle maison, belle femme… » Et de jeunes maîtresses à souhait. En outre, l’homme est brillant : supérieurement doué, son cursus et sa carrière universitaires sont exemplaires. S’il n’était accusé d’avoir tué son épouse, cet homme serait la perfection même, puisqu’une cour d’admiratrices n’a jamais été un motif d’opprobre dans les sociétés à dominante masculine, bien au contraire. Par contre, une certaine perversité dans le « double jeu » ou la « double vie » que mènent l’amant et la maîtresse de maison aura plutôt été ignorée par les commentateurs. S’y jouent certainement la vengeance de l’épouse pour les infidélités du mari, mais aussi la jouissance du « chômeur rondouillard », comme il se décrit lui-même, d’avoir « pris la femme » d’un homme « dominant » sur le plan économique et social. Mais l’aura-t-il vraiment « prise » ? Leur relation durait apparemment depuis un certain temps sans que l’épouse ne quitte le foyer conjugal. Et si elle avait l’intention de le faire, était-ce pour partager avec ses trois jeunes enfants l’existence d’un « chômeur » ? En tout cas, aux yeux du grand public, l’amant ne peut que paraître sympathique : il joue aux cartes et s’amuse avec les enfants de sa maîtresse, il est prévenant, mais surtout : il aime « vraiment ». Il est le confident et l’amoureux, peut-être un peu le jeune frère dont il faut s’occuper. Et il s’inquiète beaucoup, téléphone au mari et aux hôpitaux après la disparition de sa maîtresse, passe à la villa, incite le mari à lancer une recherche policière. Pour sa part, l’époux marque l’indifférence, ne cherche pas à savoir ce qui s’est passé, attend trois jours avant d’aller au commissariat et une semaine de plus pour porter plainte, contraint et forcé, envoie ses enfants aux sports d’hiver, prépare une conférence, effectue un long trajet pour y participer et jette le matelas de sa femme, comme s’il voulait, d’un geste symbolique, la mettre à la porte. Le public ne peut alors qu’éprouver de l’antipathie et surtout de la suspicion à l’égard de cet homme.

Pourtant, comme nous l’avons dit, il était possible de présenter les choses autrement : Il est certain que ce couple « battait de l’aile », comme on peut le lire un peu partout. Mais, si le mari était « cavaleur », l’épouse n’a-t-elle pas également « fauté » ? Or, la plupart des articles de presse nous invitent à penser que ce n’était là que la réaction « normale » d’une femme « trahie ». Mais quelque soit le « responsable » de cette situation « impossible », elle était bien réelle et ne pouvait apparemment être résolue « à l’amiable ». Si les parents sont restés ensemble aussi longtemps pour préserver leurs trois enfants du déchirement qu’un divorce allait provoquer, - et la mère en savait quelque chose, - une telle situation compulsive ne pouvait que donner lieu à de fréquentes disputes entre les époux. Et l’ami de la famille en a profité pour séduire la maîtresse de maison, ce qui n’est pas vraiment à son honneur. Or, les commentateurs n’y trouvent pas non plus à redire et, par leur mutisme, semblent considérer qu’une telle conduite est également « normale ». D’ailleurs, cette relation « adultère » commence à une date cruciale (1998), qui correspond à une nouvelle infidélité du mari, que l’épouse ne voulait (ou ne pouvait) plus pardonner. On ne saura pas lequel de ces deux « adultères » a précédé l’autre, mais il paraît difficile d’attribuer le « beau rôle » à l’un des membres de ce « ménage à trois ». Pour s’en convaincre, il faut penser à la situation négative des trois jeunes enfants, qui sont les témoins tout à fait involontaires de ces disputes et dissimulations entre adultes. Dès lors, si les parents pensaient que leur séparation allait « traumatiser » les enfants, elle les aurait surtout préservés du pire. Et, pour mettre fin à cette situation apparemment sans issue, une solution « adulte » aurait prescrit la tempérance des affects pour « réussir » ce divorce inévitable, en privilégiant le bien-être affectif et matériel des enfants. Pour empêcher Suzanne et Jacques Viguier de parvenir à cette résolution adulte, leurs propres traumatismes ou blessures ont dû former un barrage insurmontable. On pense bien sûr au divorce des parents de la disparue au cours de son enfance, au départ du père et à son décès récent, qui a pu réactiver une blessure infantile. Mais on pense aussi à l’éducation du mari dans sa position d’enfant unique et « surdoué », à cette existence spartiate et solitaire de « bûcheur », sans possibilité de partage au sein d’une fratrie, pris dans un système éducatif basé sur la compétition, où la camaraderie s’efface devant la concurrence impitoyable entre « agrégatifs ». Cette condition peut certainement être vécue comme un traumatisme, qui rend alors plus difficile le partage et les relations de confiance à l’âge adulte. De même, le « donjuanisme » peut être interprété comme un phénomène de réaction ou de compensation d’une enfance et adolescence frustrée sur le plan de la reconnaissance affective et amoureuse. En somme, on peut dire que les deux parents, Suzanne et Jacques Viguier, n’avaient pas atteint une maturité affective qui leur eût permis une séparation amiable, bénéfique pour tous, et notamment pour leurs enfants. Dans ces conditions, aucun des deux n’était vraiment « responsable » de la situation puisqu’ils étaient incapables, l’un et l’autre, de la contrôler ou, ce qui revient au même, qu’elle leur échappait entièrement sur le plan affectif. En fait, tous deux « manipulaient » inconsciemment une situation qui semble leur échapper d’autant plus qu’ils cherchaient à la contrôler. Et il ne fait pas de doute que l’amant participait également à cette « manipulation ». S’il avait réagi en adulte et en ami, il aurait plaidé auprès des époux pour le règlement amiable de la situation, qui aurait nécessité la tempérance des affects, mais surtout : l’amant aurait dû jouer « cartes sur table » avec le mari, ce dont il était apparemment incapable, bien au contraire : d’une certaine manière, il « jouissait » de cette situation ambiguë et de la « partie de cache-cache » qu’elle recommandait. Soulignons une nouvelle fois la position des trois jeunes enfants, qui n’était certainement pas enviable : elle aurait réclamé un règlement rapide de cette situation désastreuse. Et, inconsciemment, les enfants ont certainement perçu la nouvelle « affectation » de l’ « ami de maman », car la « dissimulation » s’exerce surtout au plan conscient : intuitivement ou inconsciemment, on ressent très vite les transformations qui peuvent affecter les relations humaines, comme le remarque d’ailleurs la sœur de la disparue. Et, comme nous l’avons dit, l’amant au chômage ne pouvait probablement pas espérer que sa maîtresse et ses trois jeunes enfants s’installent avec lui après le divorce. Sans qu’il en eût nécessairement conscience, il avait donc intérêt à faire durer cette situation ambivalente où il pouvait se convaincre qu’il avait « pris la femme » d’un homme « dominant ». Et il laissait faire les disputes, dont il était le témoin, au lieu de plaider calmement pour une séparation amiable, ne serait-ce que « provisoirement » et « pour le bien des enfants ». Dès lors, il participait lui aussi à la « manipulation » plus ou moins inconsciente d’une situation, qui n’en devenait que plus « désespérée » et « incontrôlable ». S’il ne pouvait avouer sa nouvelle position au mari, il n’est pas exclu que sa maîtresse l’avait prié de garder le secret. Mais il avait tout à fait le choix d’agir autrement, en commençant par suspendre ses visites à la villa. Ainsi, il n’aurait pas rompu l’éventuelle promesse de garder secrète sa relation amoureuse avec la maîtresse de maison, tout en conservant une forme d’intégrité qui lui eût permis par la suite, et en accord avec sa maîtresse, d’avoir une conversation « d’homme à homme » avec le mari. Mais le « secret », qui devait entourer la relation amoureuse aux yeux de la maîtresse de maison, exigeait probablement que l’amant fasse « comme si de rien n’était » et qu’il continue de tenir son rôle d’« ami de la famille ». Mais s’il avait pu s’y refuser sous un prétexte quelconque, l’option du « ménage à trois » lui paraissait, pour un certain nombre de raisons, plus facile et sans doute plus « jouissive ». Et elle lui évitait une « confrontation » peut-être « désagréable » avec le mari.

 

Mais suspendons ici cet essai de présentation psychologique de la situation dans laquelle la disparition de Suzanne est intervenue. Si cette description a quelque chance de correspondre à la réalité des relations humaines dans cette affaire, il faut se demander pourquoi elle n’apparaît jamais dans les relations médiatiques de ce « fait divers ». L’une des raisons est que, pour la plupart, les récits d’un affaire comme celle-ci utilisent le ressort de la caricature : les « personnages » ne sont pas décrits de manière nuancée, et ils ne peuvent donc apparaître dans leur complexité naturelle. De plus, les relations, que ces caricatures d’êtres humains sont susceptibles d’entretenir, ne manqueront pas d’être « caricaturales » à leur tour. En outre, les contradictions des « personnages principaux » ne sont pas interprétées comme des traits de caractère naturels, comme ils se retrouvent dans toute existence humaine, mais elles sont immédiatement mises en relation avec le crime supputé dans le but de « démasquer » un « coupable ». Dans ce contexte, il faut mentionner l’expression de « coupable idéal », que l’accusé reprend avec cynisme pour mettre en cause la présentation médiatique, mais aussi les investigations policières dans cette affaire. En effet, si la culpabilité du mari est à envisager, puisqu’il est fort probable que son épouse a été tuée, ce n’est pas la seule hypothèse plausible. Plus haut, nous avons présenté, pro forma, l’hypothèse de la « machination » dans le seul but de montrer que d’autres « pistes » ne peuvent être complètement exclues en considération des éléments rendus publics. Et nous nous sommes bien gardés de développer plus avant une autre théorie, centrée sur l’amant, puisque notre motivation n’est pas « criminologique ».

 

Il faut également revenir sur le traitement de la « présomption d’innocence » dans cette affaire. Ce principe veut que l’on envisage toutes les possibilités en examinant tous les éléments disponibles et en se gardant bien d’accuser quiconque. Tant que l’affaire n’a pas été jugée, et en l’absence d’aveux, de corps et d’arme du crime, la loi n’autorise pas à déclarer ou sous-entendre fortement la culpabilité du mari en formulant implicitement un « jugement » par anticipation. Et, comme nous l’avons mis en exergue, la « chose publiée » ne doit pas empiéter sur « l’autorité de la chose jugée », surtout en s’appuyant sur la caricature des personnes et des relations humaines. Or, un crime a fort probablement été commis. C’est d’ailleurs le ressort principal qui fait de cette « affaire » un « fait divers » susceptible d’intéresser le public et par conséquent les médias, en quête permanente de « sujets » pouvant « plaire » au plus grand nombre. Mais, pour qu’il en soit ainsi, il faut « préparer les sujets », les rendre « appétissants » ou - comme il conviendrait plutôt de dire ici - « écœurants ». Dans un tel cadre, le mari doit nécessairement apparaître comme un être froid, calculateur, manipulateur, et donc éminemment « suspect » d’avoir fait disparaître la mère de ses enfants. Mais, quelque soit le verdict, et même si des aveux ou des preuves irréfutables seront produits au cours du procès, cette façon de présenter le mari comme un « coupable idéal » et de sous-entendre la préméditation d’un acte simplement présumé ne rendra jamais justice à ce qui s’est réellement passé. Or, pour « faire diversion », le fait divers doit d’abord faire « sensation ».

 

Pour la forme, imaginons encore un instant que le mari ait tué sa femme sur un « coup de folie » en raison de sa situation maritale apparemment « insoluble ». Revenu à la raison, il fait disparaître les traces de l’homicide et prend le parti de nier les faits, vis-à-vis des enquêteurs, des juges, de la presse, et bien sûr aussi face à ses enfants et parents, mais surtout dans son for intérieur, au moyen d’un acte de déni, dont on sait le psychisme capable. Cette hypothèse écarterait en tout cas la préméditation et sans doute aussi l’hypocrisie ou le mensonge a posteriori, puisque le déni permet au coupable de se croire - en toute sincérité - innocent. Certes, on peut légitimement se demander comment une telle attitude mentale est possible. Bien connu des psychiatres, le « déni de réalité » permet au sujet d’éliminer toute trace d’un événement dans son esprit : il n’a donc plus aucune conscience de sa possible responsabilité ou culpabilité. Et, dans le cas d’un « coup de folie », il n’est pas non plus pleinement conscient de ce qu’il fait lorsqu’il passe à l’acte. Il agirait alors comme un « robot » ou un « zombie », et l’effacement des traces de cet acte « automatique » n’est pas incompatible avec l’amnésie ou le « masquage» consécutif de l’événement réel. Mais cette affaire aurait-elle encore pu faire « sensation », si son « mystère » relevait de la psychiatrie, où le « coupable » serait en vérité la « victime » de son délire et où la dissimulation du corps et des traces prouverait une fois de plus que « le fou a tout perdu sauf la raison » ? On objectera que la procédure judiciaire et l’inculpation dont il fait l’objet devraient lever l’amnésie du prévenu et faire tomber son « masque ». S’il était vraiment coupable, ce serait dans l’ordre du possible. Mais alors, il saura aussi qu’il aurait dû plaider le « coup de folie » dès le début. Or, il ne l’a pas fait parce qu’il était réellement convaincu de son innocence. Et, comme il est trop tard pour revenir sur sa position à ce point de la procédure, il persiste dans son déni de réalité, ce qui est encore la solution la plus « rationnelle ». Rien dans cette hypothèse n’exclut qu’il soit revenu à la « raison » après son acte délirant pour dissimuler le corps et effacer les traces. Et rien ne l’empêche de réaliser, en même temps, un exercice mental de masquage et de déni, bien au contraire. Si le prévenu était vraiment coupable, ce serait là une explication possible pour sa conduite. On objectera qu’il y en aurait une autre : Pour des raisons qui lui appartiennent, il se serait trouvé dans l’impossibilité de plaider le « coup de folie », préférant encore se rendre coupable de la dissimulation du corps et de fausses déclarations, qui lui paraissaient moins graves que l’aveu du crime lui-même. Or, comme nous l’avons vu, la dissimulation, l’effacement des traces et le mensonge peuvent être présentés comme les gestes d’un homme qui revient brusquement à la raison après son « coup de folie » : il doit absolument effacer les traces de son acte délirant et l’éradiquer en même temps de sa mémoire. Il serait alors possible de maintenir l’hypothèse du déni de réalité.

 

Mais alors, quel genre de diversion ce fait divers doit-il opérer ? On peut penser à deux autres affaires toulousaines, d’une envergure bien plus importante : D’une part, dix jours après la destruction des Twin Towers de Manhattan, le 21 septembre 2001, une usine chimique, AZF, explose à Toulouse, faisant 31 morts et 10.000 (dix mille !) blessés [quelque 20.000 dommages corporels, selon la DdM]. L’enquête finira par conclure à un accident et, le 19 novembre 2009 [plus de huit ans après les faits !], le tribunal correctionnel de Toulouse ordonne la "relaxe générale au bénéfice du doute", comme titre la Dépêche du Midi datée de ce jour. Mais quelle idée de prendre le risque de laisser fonctionner une telle bombe à retardement au sein de l’agglomération toulousaine, où selon un rapport d’experts, il suffisait de déverser "quelques kilos d’une substance chlorée (DCCNa) sur un tas de 300 tonnes de nitrate d’ammonium stocké dans un hangar" (DdM, éd. cit) pour provoquer la plus grande catastrophe industrielle depuis 1945 en France. N’y a-t-il donc pas d’autres responsabilités en jeu que celle d’un malheureux "responsable de l’accident" ? - D’autre part, il y a bien sûr l’affaire autour du tueur en série Pascal Alègre, arrêté en 1997, dont on peut lire les détails sordides ici. On y apprend notamment ceci (nous soulignons) : "En juin 2000, [ou dès juillet 1999 selon la DdM du 23/10/2003] au sein de la section recherches de la gendarmerie, est créée la cellule spéciale Homicides 31 [à Toulouse], dirigée par Michel Roussel, et orientée sur les crimes non élucidés par la police toulousaine (plus de cent-cinquante entre 1986 et 1997)." - "L’affaire Viguier" tombait donc fort à propos pour "divertir" le public des eaux troubles que "l’autre affaire" - et l’enquête des gendarmes sur les policiers (et les magistrats, et les notables) toulousains - allait remuer. Plus encore : au moment où l’on commence à spéculer et à faire couler beaucoup d’encre sur le report du procès de J. Viguier (ci-dessous), le 29 novembre 2008, la Dépêche du Midi publie, un peu en passant, un papier intitulé Patrice Alègre : affaires « classées » où l’on peut lire : "Il n’y aura sans doute pas de second procès Alègre. Après l’arrestation du tueur en série en septembre 1997, puis sa condamnation en février 2002 pour cinq meurtres et six viols, pas moins de dix-huit autres dossiers avaient été exhumés. Autant d’affaires anciennes, parfois bâclées, qui étaient demeurées sans solution et qui vont très certainement le rester. Car l’un après l’autre, chacun de ces dossiers est refermé." Dès la fin octobre 2003, un Michel Roussel impuissant face aux proportions que prend cette affaire démissionne de la gendarmerie pour prendre, à 43 ans, sa retraite anticipée.

 

 Le report du procès Viguier   

 

Dans son édition du 27 novembre 2008, la Dépêche du Midi titre sur l’information suivante : « Le procès de Jacques Viguier peut-être reporté. Affaibli, le professeur de droit doit être examiné aujourd’hui par des médecins experts. » Déjà publié, le portrait d’un homme pensif comporte cette légende : « Jacques Viguier risque un maximum de trente années de réclusion criminelle s’il est déclaré coupable. » L’article rapporte que Jean-Claude Cousté, le président de la Cour d’Assises de la Haute-Garonne, a été saisi par les deux avocats de la défense (Georges Catala et Henri Leclerc), qui « s’inquiètent de l’état de santé de leur client » car il serait « psychologiquement très troublé » et par moments « incapable de répondre aux questions qu’on lui pose, même les plus simples ». Me Catala tient cependant à préciser ceci : « C’est notre devoir d’informer le président de la difficulté. Et il n’y a dans cette démarche aucun artifice. Nous ne demandons pas un report du procès ». Le journal rapporte ensuite que le président de la Cour a ordonné un examen médical de Jacques Viguier, confié à deux experts, un médecin légiste et un psychiatre, qui vont communiquer leur diagnostic dans quelques jours. - Puis, dans son édition du lundi 1 décembre 2008, La Dépêche annonce que le président de la Cour d’Assises a ordonné une « contre-expertise » pour décider si le procès doit être reporté. En effet, les conclusions de la première expertise médicale sont résumées comme ceci par J. Cohadon : «La fragilité psychique de l’accusé ne lui permettrait pas d’assister dans la pleine possession de ses moyens à cinq journées d’une audience marathon ». Les résultats du second examen médical et la décision finale du président sont attendus pour le mercredi, 3 décembre 2008. - Et, au moment où nous écrivons ces lignes, la nouvelle tombe : au lieu de s’ouvrir lundi, 8 décembre 2008, le procès est reporté à « septembre 2009 ». La date exacte sera communiquée ultérieurement. Et sa durée n’est plus fixée à une mais à deux semaines. C’est d’ailleurs le motif du report, invoqué par le président Cousté, qui ne voit pas comment il peut caser “43 témoins, onze experts, sept avocats et un avocat général en cinq « petits » jours”. (DdM, 4/12/2008). En effet, le journal précise aussi que : “les quatre experts qui ont rencontré Jacques Viguier, jeudi dernier [à Toulouse] et hier matin à Bordeaux, ont jugé que le professeur n’était pas « inapte » à comparaître.” - Le 5 décembre 2008, J. Viguier commente le report du procès dans La Dépêche. Et l’intervieweur (J. Cohadon) aborde une nouvelle fois la disparition : “Pensez-vous encore que Suzy a pu partir ? - Bien sûr. - Est-elle encore en vie ? - Certains le croient. - Et vous? - Moi j’y ai cru pendant un moment. Aujourd’hui, cela me paraît difficile. Mais pas impossible...” (DdM, 5/12/08). Quatre jours plus tard, c’est au tour de la fille des époux Viguier, Clémence, “19 ans”, de se confier au journal toulousain, où l’on trouve un portrait (“américain”) d’elle qui cadre mal avec l’image floutée des enfants, diffusée ensuite au moment du procès. Extraits (propos recueillis par Frédéric Abéla, nous soulignons) : “Selon vous, où est votre mère ? - Elle est peut-être par là. Je la cherche toujours. Je ne sais pas ce qui a pu lui arriver. Je n’ai aucune réponse. Jusqu’ici on s’est toujours focalisé sur mon père. La justice a toujours enquêté sur papa alors qu’il y avait d’autres pistes comme celle de ce taxi qui a été vu par un témoin dans notre rue lorsque ma mère a disparu. Il y a aussi ce portefeuille de ma mère qui rejoint les objets trouvés… Malgré cela, c’est tout le temps le nom de Jacques Viguier qui revient alors qu’il y a d’autres voies d’investigation. [... - ] Quels souvenirs vous avez de ce 27 février 2000 ? - C’est très flou. Je sais que j’avais dormi dans le lit de maman. Le reste est très vague, très lointain. Ma mère avait beaucoup d’activités, comme mon père d’ailleurs. C’est une femme qui pouvait s’absenter quelques jours pour des compétitions de tarot ou des festivals de musique. Je sais qu’elle nous aimait.” (DdM, 9/12/08) Cette soudaine confession peut surprendre. Dans l’en-tête, le rédacteur précise bien que “pour la première fois, Clémence [...] sort de son silence.” - Enfin, le 22 janvier 2009, on apprend (in DdM datée de ce jour) que le procès se tiendra plus tôt que prévu : les audiences auront lieu entre le lundi 20 et le jeudi 30 avril 2009 pour chercher à établir si Jacques Viguier est innocent ou coupable du crime dont il est accusé.

 

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