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SKARLET : “Disparition. Étude d’un fait divers” (3)

 

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– Troisième Partie –

 

[Note du lundi 1er décembre 2008 : Les éléments entre crochets ont été rajoutés après la lecture des articles du Nouvel Observateur, du Point et du Parisien Libéré, qui ne sont pas apparus lors de notre première recherche sur Internet : il faut, pour les trouver, parcourir les sites de ces journaux. Les liens vers les articles consultés figurent à la fin de cette section.]

 

Nous allons à présent nous intéresser plus particulièrement aux trois personnes principales de cette affaire que, pour plus de simplicité, nous nous permettrons dans cette troisième partie d’appeler par leurs prénoms : Suzanne, Olivier et Jacques. Mais résumons d’abord à notre manière les éléments matériels recueillis au cours des lectures faites dans la partie précédente et formulons ensuite quelques questions que l’on peut légitimement se poser.

Au risque de paraître triviaux, commençons par deux éléments capitaux qui « manquent » :

1) Suzanne elle-même. En récapitulant les informations dont nous disposons, il n’y a que trois possibilités. La première serait un départ volontaire, voire une mise en scène qui porterait les soupçons sur son mari, mais la séparation sans doute définitive d’avec ses enfants la rend très improbable. Dans le deuxième cas de figure, également peu probable, elle serait déportée, séquestrée ou retenue quelque part, se trouvant en tout cas dans l’impossibilité de communiquer avec les siens, peut-être aussi en raison d’une amnésie à la suite d’un choc. Si l’on ne peut éliminer complètement ces deux possibilités, la troisième a tout de même bien plus de chances de correspondre à la réalité : Suzanne est décédée. Dans ce cas, il y a encore deux possibilités : ou bien elle a été tuée et on a fait disparaître son corps ou bien elle est morte d’une autre manière et sa dépouille devrait en principe avoir été retrouvée plus de huit ans après sa disparition. C’est sans conteste le meurtre, voire l’assassinat, qu’il faut retenir, une fois encore sans pouvoir totalement écarter la mort accidentelle. Si, par conséquent, elle a été tuée, il manque également :

2) L’arme du crime. Sans corps et sans autopsie, nous ne pouvons rien dire à ce sujet, même si les enquêteurs ont émis l’hypothèse ou acquis la conviction qu’elle a été tuée chez elle à coups de couteau. D’après ce que nous pouvons en savoir par la presse, cette hypothèse repose sur :

3) Les traces de sang au domicile de la disparue et dans la voiture ainsi que sur les chaussures de son mari. Nous n’en savons que peu de choses. Selon les comptes-rendus, du sang appartenant à Suzanne a été retrouvé sur le sommier (les lattes) et la housse de canapé sur lequel elle dormait ; dans la salle de bains [avec une baignoire inhabituellement sale, comme s’il y avait eu du sang et de l’eau mélangés qui n’étaient pas partis tout à fait, selon la baby-sitter] ; sur les chaussures de sport de Jacques et sur un chiffon ou un torchon dans sa voiture [sur lequel des traces d’ADN appartenant à Jacques et à Suzanne sont recueillis] . De plus, on peut émettre l’hypothèse que des traces de sang ont été effacées. Elle se base sur :

4) Le matelas – un troisième élément qui « manque » - sur lequel Suzanne avait pris l’habitude de dormir seule depuis un certain temps, et certains draps qui auraient été lavés. [Un chroniqueur ajoute : mais aussi une auréole de 25 centimètres qui paraît avoir été lessivée sur la toile de protection des lattes du Clic-Clac].

5) Une énigme considérable entoure les biens personnels de la disparue. Si on retrouve sa voiture, son sac à main [le 9 mars 2000 par Jacques dans le placard de l’entrée] avec son trousseau de clefs [ajout tardif : et sa carte bancaire, selon Sylvie Véran, in Le Nouvel Observateur, 16 avril 2009], sa trousse de toilette avec son produit pour lentilles de contact et ses lunettes, on ne retrouve pas ses papiers d’identité, son téléphone portable, les lentilles de contact elles-mêmes et leur boîte. Or, son portefeuille avec ses papiers d’identité est ramassé en ville deux semaines après sa disparition [le 13 mars 2000, le jour où Jacques sort de la garde à vue] et déposé aux objets trouvés [sans mention sur le registre permettant d’identifier la personne qui l’avait remis], mais on n’en saura rien pendant un an. [Cependant, la carte des magasins Leclerc contenue dans le portefeuille a révélé que les derniers achats réalisés par Susy avaient été effectués le 24 février. Elle avait acheté trois bandes dessinées pour ses enfants (in Le Parisien, 21/5/2005).] On ne connaît pas non plus le destin du téléphone portable ; s’il était resté allumé, on aurait pu le localiser : il devait donc être éteint ou détruit ; et si certains appels ou messages suspects avaient été passés à ce numéro, l’information aurait fini par filtrer ; de même, on a dû écouter et réécouter les messages que Jacques et Olivier, ou d’autres personnes, auront certainement laissés à Suzanne.

6) Reste le problème de l’emploi du temps que nous pouvons à présent récapituler comme ceci :

Le samedi soir, 26 février 2000, Suzanne et Olivier se rendent à Saint-Orens, cité Catala, au club des « Amis du Tarot » afin d’y jouer aux cartes dans le cadre d’un tournoi [où elle va remporter le premier prix de sa vie, selon son partenaire ; certains journalistes situent le lieu à Montauban en Tarn-et-Garonne]. Pour rejoindre cette petite bourgade, située peu après le périphérique de Toulouse, au Sud de la ville, ils prennent certainement la voiture d’Olivier, puisque Suzanne laisse la sienne au domicile familial, rue des Corbières, dans un quartier Est de Toulouse. Sans doute les joueurs de tarot ont-ils confirmé la présence des amants au club et précisé leurs heures d’arrivée et de départ aux enquêteurs. Mais nous, qui lisons la presse, ignorons combien de temps les amants ont passé au club. En connaissant un peu la vie, on peut cependant être porté à croire qu’ils n’y seront pas restés jusqu’à 4 heures du matin. Et on peut imaginer qu’ils seront ensuite allés chez Olivier qui, comme Suzanne et Jacques, habite dans le quartier résidentiel des Ormeaux, non loin du canal du Midi. On peut également penser que les amants auront fait une petite promenade du domicile d’Olivier jusqu’à la rue des Corbières, où Suzanne arrive vers 4h30, ce dimanche matin, 27 février. Un rédacteur (F.T.) croit cependant savoir qu’Olivier stoppe sa Golf devant la villa à l’heure dite. Il semble que le témoignage d’Olivier concorde alors avec celui de Jacques, qui dit avoir entendu du bruit dans la maison à cette heure-là pour en conclure que sa femme montait se coucher. Au matin, Jacques prend le petit-déjeuner en compagnie de ses trois enfants. Vers 10 heures, le père de Jacques récupère les trois enfants rue des Corbières pour les amener au Jardin des Plantes. Ensuite, tout ce petit monde doit se retrouver pour le déjeuner dans la maison familiale de Vieille-Toulouse, située sur les hauteurs, à quelque 8 km du centre-ville. A 10h45, Jacques est à son domicile, puisqu’il utilise la ligne fixe de la maison pour prévenir sa mère qu’il serait en retard pour le repas dominical. Finalement, il arrive à Vieille-Toulouse vers 12h45. – Or, les autres éléments de cet emploi du temps reposent uniquement sur les déclarations de Jacques : le dimanche matin, il a constaté que Suzanne dormait sur son canapé ; après le coup de fil de 10h45, il fait de la course à pied pendant 45 minutes ou 1 heure en empruntant les rues du quartier du Pont-des-Demoiselles, le boulevard de la Méditerranée longeant le canal du Midi jusqu’à l’échangeur de Lespinet, puis l’avenue des Herbettes, avant de rentrer rue des Corbières vers 11h45 ; comme il arrive à Vieille-Toulouse vers 12h45, on peut penser qu’il est parti de la villa vers 12h15 environ, en fonction de la circulation du dimanche midi, un jour de vacances ; enfin, à son retour du déjeuner dominical avec les enfants [à 18 heures, selon un article], il constate que Suzanne n’est plus à la maison. Son canapé est replié. Portes et volets sont clos. [Jacques et les enfants auraient alors diné dans une pizzeria, selon ce même article]. – Un autre élément repose uniquement sur la déclaration d’Olivier : Suzanne devait lui téléphoner à son réveil [ou pour le réveiller], ce même dimanche, vers 14 heures [ou 13h45]. Comme il n’a pas reçu ce coup de fil, il s’inquiète et appelle Jacques le dimanche soir pour prendre des nouvelles. Enfin, le lundi matin, 28 février, Olivier vient confirmer l’absence de Suzanne rue des Corbières, et il repère sa voiture, sa trousse de toilette etc. [Un chroniqueur (Frédéric Testa) précise : La robe et les bijoux qu’elle portait pour jouer au tarot sont bien à l’intérieur. L’alarme du réveil est calée sur 13 h 45, comme prévu. Manque le sac à main (retrouvé ensuite dans un placard). - Et Olivier revient sur les lieux le soir même en compagnie de la baby-sitter des Viguier : des traces de sang ont (ou auraient) alors été découvertes]. Mais, tout bien considéré, un autre élément repose en grande partie sur la bonne foi d’Olivier. En effet, il dit avoir raccompagné Suzanne chez elle le dimanche matin à 4h30. Et ses dires sont indirectement confirmés par Jacques qui affirme avoir entendu un bruit à ce moment-là, qui lui permettait de conclure que sa femme “montait se coucher” [dans sa chambre située au-dessus du garage]. Or, il n’est mentionné nulle part que Jacques se serait alors levé pour vérifier la présence de Suzanne dans la villa. De même, rien ne nous dit qu’Olivier ne se soit rendu à la villa des Viguier dès dimanche après-midi.

Mais deux éléments restent encore à mentionner :

7) Le mobile lié à l’identité du tueur, puisque l’hypothèse d’une mort violente est très probable. Jacques sera passé du statut de « témoin important » à celui d’assassin : c’est-à-dire qu’il aurait tué sa femme avec préméditation. Puis, comme nous l’avons appris, l’assassinat aura été requalifié en meurtre [homicide volontaire ] : la préméditation n’est donc plus retenue. Dans ce cas, la motivation probable de son acte présumé devrait être l’affect et notamment la jalousie : il s’agirait alors d’un « drame passionnel » qui appellerait une sanction moins sévère, lorsque cette affaire sera jugée. Mais le refus du divorce est également invoqué, notamment par Olivier et les sœurs de Suzanne : dans ce cas, il est plus difficile d’écarter la préméditation. On pourrait encore évoquer d’autres motifs, mais nous allons éviter de spéculer ici. Or si Jacques était coupable, cela nous amènerait à un dernier élément « manquant » :

8 ) Les aveux. En effet, Jacques a toujours protesté de son innocence. Au cours des 40 heures de garde à vue dans les locaux de la section criminelle du SRPJ de Toulouse au mois de mars, puis de la dizaine d’heures (voire 11h) d’interrogatoire dans le cabinet de la juge d’instruction en mai 2000, Jacques n’a rien avoué. Nous savons cependant que la garde à vue s’est soldée par sa remise en liberté, alors que son audition en mai débouche sur une inculpation d’assassinat et son placement en détention provisoire, qui sera maintenu pendant neuf mois. Mais récapitulons avec précision les débuts de l’enquête criminalistique et de l’instruction judiciaire telles que la presse les a relatées, avant de poser nos questions :

– Le mercredi matin, 1er mars 2000, Jacques Viguier signale au commissariat de son quartier la disparition – intervenue trois jours plus tôt, le dimanche 27 février – de son épouse Suzanne. Selon les dires d’Olivier, il avait auparavant – sans doute deux jours plus tôt – pris conseil auprès d’un voisin policier sur les procédures de signalement ; son interlocuteur lui avait indiqué deux possibilités : ou bien il signale simplement la disparition, ou bien il porte plainte pour enlèvement et séquestration. Ce mercredi matin, Jacques opte pour la première possibilité.

Le mercredi matin suivant, 8 mars 2000, Jacques est convoqué au même commissariat des Ormeaux. C’est encore Olivier qui, en se référant cette fois aux confidences d’un enquêteur, déclare à la presse que Jacques est entendu pendant trois heures par les fonctionnaires de police ; devant l’insistance de ceux-ci, il consent alors à déposer une plainte contre X pour arrestation, enlèvement et séquestration dans l’intérêt des familles.

Un jour plus tard, le jeudi 9 mars 2000, la juge d’instruction Myriam Viargues est saisie du dossier, et elle ordonne immédiatement une enquête, qui est conduite par les criminalistes du SRPJ de Toulouse. Selon les dires de Jacques (in DdM, 27/03/2007), les fonctionnaires de la police judiciaire l’appellent le soir pour le convoquer dans leurs locaux pour le lendemain matin (et ne le préviennent donc pas qu’ils ont l’intention de perquisitionner chez lui, ce qui serait en effet absurde). Ce même jour, Jacques évacue le matelas sur lequel son épouse dormait. [Et, comme nous l’avons vu, il découvre le sac à main de son épouse dans un placard de l’entrée du domicile ].

Le matin suivant, jeudi 10 mars 2008, Jacques se rend au SRPJ. Selon ses déclarations, après un début d’audition, les fonctionnaires l’escortent à son domicile pour procéder à la perquisition : 20 criminalistes de la PJ et 8 experts du LIPS investissent alors la villa. Ils découvrent des traces infimes de sang et saisissent une vingtaine d’échantillons pour analyse. Jacques reconnaît qu’il a jeté le matelas la veille. Or, les enquêteurs ne peuvent plus le saisir à la décharge de l’avenue des Cosmonautes, où il aurait été détruit par un feu. [Dans l’article du Point (F.T.), on peut lire que les policiers trouvent : un lambeau de matelas en mousse, en partie calciné, enveloppé dans une housse Nylon. Jacques Viguier croit le reconnaître. Mais le fabricant détrompe les enquêteurs : « Nos meubles étaient équipés d’un couchage beaucoup plus dense et d’une épaisseur trois fois supérieure. »] Rue des Corbières, les fonctionnaires constatent également la présence des biens personnels de Suzanne : sa voiture, ses lunettes, son sac à main et son trousseau de clefs. Mais son téléphone portable a disparu. Son portefeuille et ses papiers d’identité manquent également, mais ils reparaîtront « plus tard » aux objets trouvés de Toulouse, sans que la presse – et peut-être même la police en soient informées sur-le-champ. Déjà relevée trois jours plus tôt par Olivier, l’absence des lentilles de contact et de leur étui est également confirmée [tandis que le collyre est retrouvé].

Pour la suite des événements, les comptes-rendus divergent. Bernard Davodeau écrit (in DdM, 12/05/2000, art. cit.) que Jacques est conduit le soir même – à savoir le jeudi 10 mars 2000 – dans les locaux de la PJ pour être auditionné dans le cadre d’une garde à vue. Si sa durée est invariablement estimée à quelque 40 heures, les rédacteurs s’accordent ensuite pour dire que cette audition s’est déroulée les 12 et 13 mars 2000. Nous ne pouvons être sûrs que d’une chose : le dimanche 13 mars 2000, Jacques Viguier est remis en liberté sur avis du parquet.

Deux mois plus tard, le jeudi 11 mai 2000 à 13 heures, Jacques Viguier pénètre avec son avocat Georges Catala dans le cabinet de la juge d’instruction Myriam Viargues. Et à 23 h 30, il le quitte après avoir été mis en examen pour l’assassinat de son épouse Suzanne, et il est conduit à la prison Saint-Michel de Toulouse, où il est placé en détention préventive. [Son avocat lui précise qu’il n’encourrait que 6 ou 7 ans de prison, s’il avouait l’homicide au terme d’une dispute. Mais Jacques Viguier n’avoue rien et clame son innocence. Au terme de l’audition, la juge lui aurait lancé : “Vous êtes un monstre.”]

Neuf mois plus tard, le jeudi soir, 15 février 2001, Jacques Viguier est remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse. Le chef d’inculpation, qui pèse toujours sur lui, sera requalifié plus tard (janvier 2005) en homicide volontaire par le juge d’instruction Philippe Guichard qui reprend le dossier et qui ordonne le renvoi devant la Cour d’Assises. Jacques revient alors habiter dans sa villa avec ses trois enfants, puis reprend son enseignement de droit public à l’Université de Toulouse et trouve une nouvelle compagne.

Initialement prévu le 8 décembre 2008, le procès d’Assises vient d’être reporté par le président Jean-Claude Cousté. Les débats se auront finalement lieu entre le lundi 20 et le jeudi 30 avril 2009 (voir ci-dessous, cinquième partie).

 

Voici maintenant quelques problèmes :

 

L’enquête se concentre très rapidement sur la personne de Jacques. Or il ressort libre de la longue garde à vue qui intervient deux ou trois jours après son dépôt de plainte. La durée – au moins 40 heures –  et la conséquence – la libération sans inculpation – donnent à penser : Si les enquêteurs avaient des éléments, pourquoi Jacques n’a-t-il pas été inculpé le 13 mars ? Et s’ils n’en avaient pas suffisamment, qu’est-ce qu’ils ont trouvé en deux mois qui permette sa mise en examen pour assassinat le 11 mai ? L’histoire du matelas était déjà connue le 10 mars, puisque Jacques avait reconnu les faits lors de la perquisition. Alors, combien de temps dure une analyse d’échantillons ? Dans une affaire grave, les premiers résultats devraient arriver très vite à la salle d’audition. – En tout cas, au cours de ces deux interrogatoires poussés, Jacques n’a pas fait d’aveux. Bien au contraire, il ne cesse de clamer son innocence. – Mais, si la mort violente de Suzanne est la thèse la plus réaliste, qui d’autre pourrait l’avoir tuée ? Et pourquoi, comment, où ? - Avant d’aller plus loin, il faut brièvement aborder l’audition des trois enfants, dont nous ne savons pratiquement rien. Si les jumeaux étaient encore petits à l’époque, la fille aînée, Clémence, avait déjà onze ans. Selon une déclaration de son père rapportée par Henri Haget (L’Express, 9/11/2000, art. cit.), elle aurait eu l’habitude de dormir avec sa mère et l’avait également fait dans la nuit du 26 au 27 février 2000, puisqu’elle serait sortie du lit de Suzanne le dimanche matin, tandis que les jumeaux dormaient avec leur père. On peut alors se demander à quel moment, elle est entrée dans le lit de sa mère, qui ne revient qu’à 4h30 du matin. Peut-être s’y était-elle déjà couchée le samedi soir pour l’attendre. En tout cas, elle devrait avoir confirmé les déclarations de son père aux enquêteurs. [Ajout tardif :  Finalement, ce témoignage est capital. Dans sa première déclaration à la presse (voir ci-dessous), la jeune fille alors âgée de 19 ans dira ceci: “C’est très flou. Je sais que j’avais dormi dans le lit de maman. Le reste est très vague, très lointain.” (DdM, 9/12/08) Or, au premier procès, son témoignage à ce propos sera différent: « Je m’en veux de ne pas m’en souvenir. Je me sens coupable » (DdM, 29/04/09). À ce même procès : “L’avocat général détaille à travers six dépositions différentes, entre mars 2000 et juin 2005, la question de la présence de Suzy Viguier dans son lit avec Clémence, le dimanche matin. À chaque fois, Jacques Viguier a légèrement changé son récit.” (DdM, 28/04/09).] Et si les parents de Jacques sont là pour témoigner qu’il est bien arrivé à 12h45 à Vieille-Toulouse pour le déjeuner dominical, les enfants sont encore les seuls témoins que Jacques est rentré en leur compagnie rue des Corbières, dimanche en fin d’après-midi ou en début de soirée. Là, le père et ses enfants constatent de concert que la mère a disparu. Nous savons donc que Jacques n’a pu être seul avec Suzanne qu’entre 10 h et 12 h 15 environ, en comptant le trajet jusqu’à Vieille-Toulouse où il retrouve ses parents et ses enfants vers 12 h 45. Or, à 10h45, Jacques appelle sa mère, dont il suppose sans doute qu’elle prépare le repas de midi. Son père devrait encore se trouver au Jardin des Plantes avec les trois enfants, qu’il était venu chercher vers 10 heures du matin. Jacques prévient alors sa mère qu’il serait en retard pour le déjeuner. Pourquoi ? Est-ce que la ponctualité est si importante ? S’agit-il d’un témoignage de respect pour la maîtresse de maison, qui a prévu de servir le repas à une heure précise et qui n’aime pas les retardataires ? Mais à quelle heure sert-on habituellement le repas dominical à Vieille-Toulouse ? Les enquêteurs s’en seront certainement inquiétés. Or, si Jacques venait vraiment de tuer Suzanne, il aurait témoigné d’un sang-froid extraordinaire pour téléphoner à sa mère dans cette situation extrême, au risque d’éveiller l’inquiétude maternelle. Et l’on sait que les mères ont un sixième sens pour ce genre de choses. S’il a téléphoné parce que son retard serait mal vu, il aurait très bien pu prétexter une panne de voiture pour l’expliquer. Ensuite, après 10h45, il aurait dû faire disparaître d’éventuelles traces du crime visibles à l’œil nu, avant son retour avec les enfants. Et surtout le corps. Peut-être sa voiture était-elle dans le garage : les voisins ou les passants n’auraient donc pas pu le voir en train de charger le corps dans le coffre ; mais ils auraient pu l’apercevoir en train de fermer les volets de sa maison à une heure plutôt inhabituelle, puisqu’il ne partait pas en vacances et reviendrait le soir même avec les enfants. Puis il aurait encore dû nettoyer d’éventuelles traces de sang sur son parcours jusqu’au garage, inspecter une dernière fois la maison et mettre tous les ustensiles de nettoyage souillés dans un sac poubelle, qu’il aurait également fourré dans le coffre. Ensuite, il serait parti en voiture avant l’heure prévue, ce dont les voisins ou passants auraient également pu témoigner. Et il se serait rendu à un endroit isolé, loin de l’agglomération toulousaine plutôt vaste, mais aussi à l’écart des promeneurs du dimanche et des vacanciers, pour dissimuler le corps. En effet, il aurait pris un grand risque de le conserver dans le coffre toute la journée de dimanche et de repartir dans la nuit pour le cacher en laissant les enfants seuls à la villa. De même, l’endroit aurait dû être définitif pour éviter de s’exposer doublement en revenant sur les lieux dans le but de transporter le corps ailleurs. Et il aurait dû être hors de portée des enquêteurs, qui inspecteraient certainement les endroits les plus logiques et probablement bien d’autres encore. Ce qu’ils ont d’ailleurs fait. Enfin, il aurait dû rejoindre la maison parentale à Vieille-Toulouse. Et tout ça en deux heures. Entre 10h45 et 12h45, précisément.

Même en conjecturant, comme nous venons de le faire, cet emploi du temps paraît extrêmement serré. Et le sang-froid extraordinaire. Vu l’énormité d’une telle situation, le coup de téléphone de 10h45 serait totalement inutile, voire même surréaliste. Le problème dans cette affaire est que tous les éléments ont tendance à être interprétés à charge : les contradictions et l’état d’esprit de Jacques, la présence à son domicile de la voiture et des « effets personnels » de Suzanne, le matelas qui aurait très bien pu être remplacé dans la journée du 9 mars ou avant. Or les points cités peuvent être interprétés à charge et à décharge. Mais il faudrait pour cela cesser de les interpréter comme les « erreurs » d’un homme qui a prémédité son forfait. Et, en effet, la préméditation n’est plus retenue contre lui : les contradictions sont bien trop flagrantes. Pourtant, les rédacteurs, qui ont écrit leurs articles au cours de la première année d’enquête et d’instruction, et a fortiori ceux qui l’ont fait bien plus tard ou reprendront, « rediffuseront » certains « jugements » proférés à la hâte dans la perspective très médiatique d’un procès aux Assises, dont il faut bien dire quelque chose d’intéressant pour « passionner » les gens : tous ceux-là n’ont guère le souci du détail. Ils ont d’autres chats à fouetter.

Avant de poursuivre, précisons tout de même que nous ne cherchons pas à « défendre » Jacques. Ses conseils juridiques sont suffisamment compétents et disposent de tous les éléments matériels pour plaider sa cause devant la Cour. Nous voulons simplement montrer que les éléments dont les médias disposent ne permettent pas de « juger » ou de « condamner » Jacques d’avance et sans examen minutieux des éléments disponibles ou à découvrir par une enquête journalistique sérieuse. C’est pourtant ce qui a été fait, implicitement ou plus explicitement, dans certains papiers que nous avons lus, mais aussi dans d’autres, comme ce « reportage » pour lequel Paris-Match a été poursuivi et condamné. – Mais nous n’étudions pas non plus les relations entre les médias et la Justice en général. Nous nous contentons d’étudier en détail au risque de nous répéter souvent – les éléments de cette affaire qui « filtrent » dans la presse et l’usage qui en est fait, autrement dit : sa réception, sa présentation et son interprétation par les journalistes qui sont appelés à commenter l’affaire et à communiquer leurs appréciations au grand public, comme on le verra encore à l’ouverture du procès.

Dans cet ordre d’idées, revenons brièvement sur la question que tout enquêteur consciencieux doit se poser lorsqu’il réfléchit sur cette affaire : Et si ce n’était pas lui ? Ecartons d’emblée la théorie d’un « rôdeur » qui n’aurait pas eu besoin de dissimuler le corps de sa victime. Il est plus difficile d’écarter complètement la piste d’un enlèvement qui aurait mal tourné, car on ne peut avoir de certitude absolue de ce côté-là. Quelqu’un de sa connaissance aurait pu se présenter au domicile de Suzanne et l’emmener faire un tour en prétextant une urgence quelconque, puis commettre le crime et faire disparaître le corps. Encore faut-il pouvoir expliquer les traces de sang repérées par les enquêteurs à la villa et dans la voiture de Jacques. Et trouver pourquoi les portes et volets de la maison ont été fermés. Or, si le coupable voulait désigner Jacques, il lui suffisait, une fois Suzanne immobilisée, de retourner sur place, en utilisant un double des clefs, et de semer des indices « troublants » un peu partout. L’autre possibilité est que Suzanne pourrait avoir été tuée à l’intérieur même de la maison après le départ de son mari. Le scénario débuterait de la même manière : Quelqu’un de sa connaissance se présente à la porte ou entre avec un double des clefs. Mais il faut alors expliquer pourquoi et comment le corps a disparu. Le pourquoi ressort de ce qui précède : Si on voulait faire accuser le mari, il ne fallait pas laisser le corps sur place puisque Jacques avait un alibi pour l’heure du décès, qui serait facile à établir post mortem. Etant donnée la vigilance du voisinage, il est plus difficile de comprendre comment on aurait transporté la dépouille : il faudrait disposer de tous les éléments et acquérir une connaissance précise des lieux pour évaluer les possibilités. Ceci dit, il y a sûrement des détails, inconnus du grand public, qui discréditeraient ce scénario sans doute trop simpliste. Or, ils permettraient peut-être aussi d’envisager des scénarios alternatifs. Et si on se base sur cette hypothèse d’une « machination » qui, même peu probable, est impossible à écarter absolument – la fabrication des doubles pour la maison et les voitures aurait été la moindre des difficultés. Mais il est également possible et c’est encore l’hypothèse la plus probable que l’acte présumé n’aura pas été prémédité par le coupable. – Précisons au besoin que ce petit exposé – bien naïf et lacunaire –  a pour seul but de montrer qu’il est possible de voir et de présenter l’affaire autrement, ou du moins dans la complexité qu’elle mérite après une analyse rigoureuse des éléments disponibles ou accessibles, sans jamais se départir d’une argumentation logique ou donner dans le sentimentalisme, le mysticisme ou la moralisation. Et la caricature des personnes impliquées.

C’est pourquoi nous avons tenu à présenter l’« image » des trois personnes centrales de cette affaire - Suzanne, Olivier et Jacques – telle qu’elle se dessine à travers les comptes-rendus disponibles en ligne. Nous en avons déjà mentionné l’essentiel, que nous récapitulons ici sous une forme condensée. Pour une meilleure lisibilité, les citations sont en italiques, et on trouvera les liens sur la plupart des articles que nous avons utilisés à la fin de cette section.

 

Trois portraits

 

1. SUZANNE. On ne sait pour l’instant pas grand-chose de cette jeune femme mince aux cheveux mi-longs, couleur châtain clair, qui mesure 1,65 m. La photographie parue dans le journal après sa disparition montre un visage souriant, un peu espiègle, aux traits harmonieux. Sur ses petits yeux noirs au regard intelligent, elle porte certainement des verres de contact puisqu’elle souffre d’une forte myopie. Suzanne Blanch vient au monde le 27 novembre 1961, mais ses parents divorcent dès son plus jeune âge. Cette femme brune et vive est l’épouse de Jacques, le vice-doyen de la fac de droit de Toulouse. Et, dans un quartier résidentiel de la Ville Rose, le couple [qui se marie en août 1988] possède une grande maison cossue, qu’il occupe avec ses trois enfants. Suzanne donne naissance à sa fille aînée vers l’âge de 28 ans. Puis, quelque trois ans plus tard, elle accouche de deux garçons, jumeaux, après avoir perdu un enfant en 1991. Très attachée à sa famille, Suzanne est une mère poule aux yeux de sa sœur cadette Hélène (née vers 1965). Une autre de ses passions est la danse, qu’elle enseigne depuis quinze ans dans un foyer rural à vingt kilomètres de son domicile et, depuis une dizaine d’années, dans une autre salle, un peu plus loin encore. Le gérant de cette salle tient d’ailleurs à dire qu’elle a d’excellents rapports avec tous, élèves et parents. Le président du foyer rural ajoute qu’elle fait preuve d’une grande régularité. Il décrit Suzanne comme quelqu’un de jovial, de joyeux, mais croit également savoir qu’elle était préoccupée par des soucis d’ordre familial car dans les derniers temps elle se disait fatiguée et attristée par l’ambiance chez elle. C’est d’ailleurs ce que confirme Carole, la jeune demi-sœur de Suzanne : « C’est vrai qu’elle avait de graves problèmes familiaux puisqu’elle devait aller voir un avocat le lundi suivant sa disparition. » Et de souligner : « Mais jamais elle n’aurait abandonné ses trois enfants qu’elle aimait par-dessus tout. » [Dans un autre article (Sylvie Véran), Carole précise: «Il n’y avait plus que de la haine entre eux (les époux Viguier). Le moindre conflit sur un détail de la vie quotidienne déclenchait leurs aboiements. Suzy a mis pourtant longtemps à envisager le divorce car elle ne voulait pas que ses enfants subissent ce que toute petite elle avait vécu.» - Et sa sœur Hélène: «Depuis quelques années, il la trompait. Elle le savait. Elle en avait assez. Elle était arrivée au bout de ce qu’elle pouvait endurer.» La rédactrice résume la situation: Elle s’était résolue à divorcer. Pour cela, elle avait même préparé un dossier comptabilisant notamment les absences pour cause de chasse de son époux : 110 jours pour l’année 1999.] De son côté, Jacques pense également que sa femme Suzy n’était pas très bien. Dans son procès-verbal, la mère de Suzanne nous dit encore autre chose sur sa fille: «C’est une personne influençable. Elle aime être sur le devant de la scène. Quand j’ai appris sa disparition, j’ai tout de suite pensé à un endoctrinement sectaire». Sans doute Suzanne était-elle inquiète car, quelques semaines ou peut-être même quelques jours avant sa disparition, elle s’était rendue chez une amie notaire pour savoir si, en cas de malheur, son testament précisait bien que ses enfants devaient être confiés aux parents de Jacques. L’amie se souvient de cette rencontre: « Elle avait l’air au fond du trou En la quittant, je lui ai glissé de ne pas faire de conneries.» On sait aussi que Suzanne venait de perdre son père, qui s’était remarié. Sa demi-sœur Carole naîtra (vers 1978) de ce nouveau mariage. Et son décès, qui eut lieu l’été précédent (1999), l’avait terriblement affectée. Elle avait alors des hauts et des bas, plongeant parfois dans la dépression. On apprend encore qu’elle a fréquenté le monde de la nuit toulousaine car, pendant plusieurs mois, elle réglait des spectacles dans une boîte de transformistes [ou de travestis, le Crazy Moon à Toulouse]. Et on découvre enfin qu’elle avait un amant, dont il sera question maintenant.

2. OLIVIER. Si on sait peu de choses de Suzanne, on ignore pratiquement tout de son amant. Né en 1968 ou 1969, ce proche de la vie du couple habite dans le même quartier. [Il est ou a été vendeur de matériaux de construction]. Considéré comme un familier, Olivier passe régulièrement à la villa, joue avec les enfants, est prévenant avec Hélène, la sœur de Suzanne, participe aux discussions et devient le témoin d’une scène, confiée à un reporter (H.H.): Par le biais d’une maladie sexuellement transmissible, Suzanne avait découvert – autour de l’année 1995 les infidélités de son mari. Pour se venger, elle couche avec un type qu’elle ne reverra jamais. Et Olivier ajoute: « Quand elle le lui a dit, son mari n’a pas bronché… J’ai envie de te tuer, lui a-t-il répondu. Mais, comme c’est ma punition, j’accepte… » Après avoir été son confident, Olivier devient l’amant de Suzanne au printemps de 1998. Il semble que Jacques n’était pas au courant de cette liaison: « Il venait à la maison, nous nous connaissions… », dit-il laconiquement à propos d’Olivier. Et celui-ci de s’extasier face au même reporter: «Belle maison, belle voiture, belle situation : comment pouvait-il imaginer qu’un jeune type de 32 ans, un peu rondouillard, VRP au chômage, lui avait pris sa femme?» Une partie de son temps libre est consacré à une passion ou une marotte : le jeu de tarot,  qu’il partage avec sa maîtresse. Ensemble, ils prennent part à des tournois, comme ce samedi soir précédant la disparition. Quelques semaines plus tôt, une autre scène avait eu lieu à la villa. Olivier en est le témoin, et il rapporte le dialogue suivant au journaliste, où Suzanne annonce la couleur à son mari: «Le mieux, c’est qu’on divorce à l’amiable. Tu auras les enfants un week-end sur deux. Peut-être que tu commenceras à les aimer - Sinon? - Sinon, j’ai des preuves, des témoignages de tes collègues de l’université…» Et Olivier de conclure : Jacques Viguier n’avait rien répondu Mais il est devenu blême. – Restent les déclarations d’Olivier face aux journalistes de La Dépêche, au moment où l’on apprend que l’affaire est définitivement renvoyée devant les Assises (DdM, 23 février 2007) : « Depuis sept ans je cherche la vérité alors que lui [Jacques] me donne l’impression de quelqu’un qui la fuit. S’il n’a rien à se reprocher, qu’il accepte d’aller devant les assises. Son attitude ne fait que me conforter dans l’idée qu’il est peut-être le coupable… Ce que je veux, c’est la vérité. Je ne crie pas à la vengeance ou à la condamnation. Cela ne ramènera pas Suzy. Mais j’estime que je lui dois cela, pour sa mémoire… La seule défense de Jacques Viguier est de me salir et de créer le doute. Je pense avoir fait ce qui était juste. J’ai toujours collaboré avec la justice. J’ai toujours eu le même objectif. Quand on connaît l’enquête, on sait que j’ai été mis sur écoute, perquisitionné, que mon emploi du temps a été vérifié. La justice a fait son travail. Quand le dossier sera sur la table, tout le monde se rendra compte que ces attaques ne tiennent pas la route. »[Il faut encore souligner qu’Olivier aura activement participé à l’enquête, notamment en indiquant des témoins, comme l’atteste la liste de ses appels téléphoniques. Il justifie sa démarche comme ceci: « J’ai collaboré avec la police, je leur ai donné des contacts de témoins, car j’étais inquiet. » Et, à propos de Suzanne: « Il lui faut une sépulture sur laquelle les gens qui l’ont aimée puissent déposer des fleurs. » (Le Point, 24/5/2007) - Sept ans plus tôt, Olivier avait spéculé sur un possible mobile de Jacques, en soulignant clairement qu’il le croit coupable (Le Nouvel Observateur, 25/5/2000) : «Sa femme voulait divorcer. Il ne pouvait supporter qu’elle lui échappe. C’est toute la façade qu’il s’était construite qui allait s’effondrer avec le départ de Suzy, de ses enfants, et la vente de la maison. Qu’allaient dire ses collègues, ses parents, ses voisins? Je crois qu’il était devenu vital pour lui de l’éliminer physiquement. Il la perdait. Mais de cette manière il ne perdait pas la face.» - Et voici ce que répond Jacques, cinq ans plus tard (Le Parisien Libéré, 21/5/2005, nous soulignons) : « Les policiers n’ont pas cherché la vérité. Il y a des incohérences dans l’emploi du temps de la soirée selon les déclarations de l’amant et celles d’un autre participant à cette soirée de tarot où ils sont allés ensemble... L’enquête de la police a décrété que j’étais coupable sur la seule foi des déclarations de ce personnage qui se comporte en accusateur public (Olivier). Mais s’est-on intéressé à son emploi du temps ? Il est le dernier à avoir vu Susy vivante, il est le seul à dire qu’il la raccompagne à la maison ce soir-là. Son emploi du temps n’est pas confirmé. Que sait-on de ses revenus, lui qui achète un bar en Dordogne ?»]

3. JACQUES. S’il a 42 ans au moment de la disparition de sa femme, il devrait être né en 1958 ou début 1959. [Son lieu de naissance est Orgeix dans le département de l’Ariège.] Il a passé son agrégation très jeune et réussit son baccalauréat dès l’âge de 16 ou 17 ans [ajout tardif: répétons qu’au moment du 2e procès, en mars 2010, on nous dit - contrairement à ce qui avait été affirmé au début de cette affaire par les journalistes - que J. Viguier n’aurait eu son agrégation de droit public qu’à 32 ans, en 1990, après avoir présenté sa thèse en 1989 ; cependant, on apprend aussi qu’il aurait sauté deux classes en primaire, ce qui confirmerait son jeune âge au bac.] Universitaire brillant, il enseigne le droit public à la faculté des Sciences Sociales d’Albi et de Toulouse, dont il est le vice-doyen, un titre qui, selon son président, est surtout honorifique et n’implique aucune fonction officielle. Jacques est fils unique, et ses parents, dont la maison familiale est située à quelque huit kilomètres de sa villa, ont également choisi une carrière à l’Éducation Nationale [sa mère comme institutrice et son père comme intendant]. A côté de ses activités professionnelles, il aime la chasse qu’il pratique régulièrement, par exemple dans les bois autour de la maison de ses parents, et dans le département voisin de l’Ariège près d’Ax-les-Thermes. Titulaire d’un permis de chasse en réserve, il possède la réputation d’une fine gâchette. Interrogé par un reporter (H.H.), un compagnon de battue raconte : «Quoi qu’il ramène dans sa besace, c’était sa grande fierté… Je ne l’ai jamais vu se donner le droit à l’erreur.» Le cinéma est une autre de ses passions : Dès 1984, il publie des critiques de films dans la revue éphémère de son ami Serge, qui est aujourd’hui son collègue à la faculté de droit. Face au journaliste, Serge [Regourd] se souvient : «Il connaissait les films de Hitchcock à la virgule près.» Or, vingt ans plus tard, Jacques continue de travailler sur le thème du film, en publiant une série d’articles, comme par exemple : « Un réalisateur, sujet principal de son œuvre : François Truffaut » (Jacques Viguier, in Revue des Sciences Politiques, n° 49, 2003). Et il enseigne également le droit du cinéma à l’université. Mais ce séduisant homme jeune, que ses étudiants portent aux nues, a une troisième passion : les affaires amoureuses. Or, les infidélités à répétition de Jacques avec ses étudiantes détruiront sa relation avec Suzanne. [Face à une journaliste (S.V.), Hélène, la sœur de Suzanne, présente son beau-frère comme ceci: «Belle carrière, belle maison, belle femme, beaux enfants, il avait tout réussi et il était très fier de présenter cette image». Dans le même papier, on retrouve Olivier qui tente une analyse psychologique sur la base d’une anecdote qu’il rapporte: “Quand il [Jacques] perdait au tarot, il jetait brutalement ses cartes sur la table et il allait donner des coups de poing dans le mur. Je crois qu’à l’intérieur de lui il y a une grande violence que son éducation d’enfant unique, élevé très strictement par des parents enseignants, lui interdit d’exprimer oralement”. - Concernant l’attitude de Jacques durant l’instruction de l’affaire, un proche de l’enquête déclare à la même journaliste : «C’est un homme qui est totalement maître de lui, de ses paroles comme de ses gestes. Il se sait supérieurement intelligent et semble penser que le reste du monde est peuplé de cons. Pour lui, les flics sont les derniers des imbéciles.»]

Voici pour finir quelques extraits de ses deux entretiens exclusifs avec les journalistes de La Dépêche :

Le premier est paru le même jour que l’interview d’Olivier qui vient d’être citée (DdM, 23 février 2007) : Les policiers ont mené une enquête orientée. Ils ne se sont intéressés qu’à moi… [disparition :] il ne faut pas oublier que nous nous trouvions au milieu des vacances scolaires de février. En général, la première semaine, elle s’occupait des enfants, la deuxième, c’était moi. Elle était libre de partir et l’avait déjà fait. Cela ne posait pas de difficulté. Nous vivions une situation de divorce de fait… [divorce :] Le seul frein, c’était les enfants. Je préférais qu’ils grandissent. C’est également vrai que je voulais qu’elle prenne l’initiative de notre séparation mais je connaissais sa volonté de me quitter… [perquisition :] Encore un fantasme ! Pensez-vous sérieusement que les policiers avertissent quand ils viennent perquisitionner ? Ils m’ont appelé le jeudi soir pour me convoquer pour le lendemain matin. J’y suis allé. Après un début d’audition, très rapidement, ils ont décidé de venir chez moi… [matelas :] J’avais l’impression qu’il s’était passé des choses sur ce matelas… Et je ne voulais pas que ma mère, ou ma fille, dorme dessus. C’est une réaction non raisonnée. Les policiers ne l’ont pas retrouvé à cause d’un feu dans la décharge. S’ils étaient venus deux jours plus tôt, le problème du matelas n’existait plus… [traces :] Des traces infinitésimales ! Du sang, les policiers en ont découvert mais beaucoup moins que certains veulent le laisser croire. Du sang humain et du sang animal dans ma voiture. Un sang humain qui n’appartient à personne de connu sur le rebord de l’escalier de la maison. Un peu sur les marches et dans la salle de bain du haut. Il y a du sang comme il y en a dans toutes les maisons. Cela montre que c’est une maison qui vit, c’est tout… [Assises :] C’est extrêmement dur de comparaître devant des juges alors qu’on est innocent. De toutes manières, on ne peut pas me juger coupable puisque je suis innocent !

- Le second entretien est très récent [DdM, 8 novembre 2008]. On en découvrira l’essentiel sur le site du journal : « Je ne comprends pas comment on en arrive là, au procès. J’ai longtemps pensé qu’il y aurait un non lieu. Il n’y a rien dans le dossier. Pas de mobile, nous vivions depuis longtemps côte à côte dans la même maison. Pas de preuve proprement dite. C’est impossible que je sois condamné sur aussi peu de choses. Si on essaie d’être objectif, je devrais être acquitté… Dès le départ, tout a été caricaturé, on parle d’un mari qui est froid, qui est un salaud et d’une femme épanouie. Ce n’était pas cela ; on avait tous les deux, comme toute personne, des moments positifs et négatifs. On m’a présenté comme un notable, qui n’existe pas. Ma femme et moi venons tous les deux de la classe moyenne. Mes amis m’ont souvent demandé quelle était cette personne dont on parlait dans les journaux. Moi-même, je ne me reconnaissais pas dans ce portrait. »

- Liens vers les plus importants articles consultés et cités -
[Liste actualisée]

(1) La Dépêche du Midi, 18 mars 2000

(2) La Dépêche du Midi, 19 mars 2000

(3) La Dépêche du Midi, 14 avril 2000

(4) La Dépêche du Midi, 12 mai 2000

(5) Le Nouvel Observateur, 25 mai 2000 (Sylvie Véran)

(6) La Dépêche du Midi, 9 septembre 2000

(7) La Dépêche du Midi, 29 septembre 2000

(8) L’Express, 9 novembre 2000 (Henri Haget)

(9) La Dépêche du Midi, 1er décembre 2000

(10) La Dépêche du Midi, 17 février 2001

(11) La Dépêche du Midi, 27 février 2004

(12) Marianne, 19 février 2005 (Laurence Dequay)

(13) Le Parisien Libéré, 19 mai 2005

(14) Le Parisien Libéré, 21 mai 2005

(15) La Dépêche du Midi, 23 février 2007

(16) La Dépêche du Midi, 27 mars 2007

(17) Le Point, 24 mai 2007 (Frédéric Testa)

(18) Marianne, 1er septembre 2007 (Clara Dupont-Monod)

(19) La Dépêche du Midi, 23 octobre 2008

(20) La Dépêche du Midi, 8 novembre 2008

 

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